Enzo bouillonne. Foot entre les voitures, combine entre potes, petits textes griffonnés sur des bouts de papier, il n'arrête jamais, et son imagination déborde. Dans sa tête, il refait le monde, celui qui peut-être un jour lui appartiendra. En attendant, il traine ses rêves dans son quartier, le Kermoysan. Futé et sensible mais turbulent et hyperactif, son manque de concentration à l'école lui vaut la détestation de son institutrice. Un traumatisme enfoui ? Une chose est sûre, il déborde de colère. Et d'amour. Avec sa mère il entretient une relation fusionnelle. Il est son protecteur, son porteur de courses quand l'ascenseur est en panne. Il est même parfois son soutien financier, car les jours ne sont pas tous faciles quand on n'a pas de carte bancaire.
Les rafales de vent se mirent à souffler, et personne n'avait eu le temps de se mettre à l'abri. Ils étaient tous au cimetière, et moi aussi. C'était la première fois que j'allais tout seul dans un cimetière, j'étais allé que deux fois avec Maman, à Quimper, pour aller voir Mamie. J'ai réussi à sortir en douce de chez Tom, je sais pas s'il trouvera mon mot. Mais Tom, il caftera pas. Après j'ai eu un peu de mal sur la moto à cause du vent. Aujourd'hui, il faisait un vent à écorner les bœufs, comme elle disait Mamie. Elle disait ça à chaque fois que son fichu tenait pas en place, ça veut dire presque tous les jours à Quimper. Maintenant, j'étais au cimetière de Concarneau. Y'avait plus un chrysanthème debout. Le gens ne pleuraient plus, parce que le suroît (c'est ma nouvelle copine qui m'a appris ça) séchait leurs joues toutes ridées. J'avais grave froid, mais je voulais pas montrer que personne prenait soin de moi. Y'avait personne à l'adresse de la photo, la maison était vide. Et sur la boîte aux lettres, on pouvait lire que le nom d'une madame : Georgette Le Guen. C'est peut-être du racisme de vieux, mais j'ai pensé direct que Georgette, c'était une mamie. Et le 2 novembre, les mamies elles vont pas au supermarché ou au club de belote. Elles sont au cimetière. Et j'ai trouvé Georgette, elle était devant la tombe de Yves Le Guen alors c'était facile. Je l'ai pas dérangée, je suis pas un sauvage. J'ai attendu au bout de l'allée, où y'avait un genre de mausolée comme dans MediEvil (et même que je suis plus fort que Tom à ce jeu) et je pouvais me protéger du vent. Elle s'est approchée de moi et elle m'a dit, sans me dire bonjour : "Petit, il fait sacrément frisquet aujourd'hui, il y a un de ces vents à... - Écorner des bœufs !" J'avais crié, je crois. Elle a ri et elle m'a demandé pourquoi j'étais tout seul ici. Et j'ai répondu que j'étais pas tout seul d'abord, que j'étais avec mon cousin, et même qu'il a quinze ans mais il a peur des cimetières, mais c'est pas un trouillard, il est super fort pour les jeux vidéo d'horreur, mais moi je voulais voir mon Papy au cimetière. Je crois que j'avais dit tout ça trop vite. Je sais pas si elle m'a cru, mais elle m'a proposé d'aller manger des crêpes alors bien sûr que j'ai dit oui. Je suis pas fou. Elle avait pas de nutella, mais de la confiture de cerise. Elle a dit qu'elle l'avait faite elle-même. Je savais déjà que les parents mentent aussi, mais les mamies quand même. J'étais choqué. Je sais plus trop quand, peut-être après la troisième crêpe, j'ai craqué. J'ai dit la vérité et j'ai juré-craché parce qu'elle me croyait toujours pas. Alors elle m'a fait un chocolat chaud et on a discuté beaucoup. Elle m'a dit qu'elle connaissait mon père. Mais Georgette, elle se souvient pas de tout : "Son nom ne me revient pas, mais j'ai souvenance qu'il est reparti au Faou après. - C'est pas un cinglé mon père ! - Non mon Petit, Le Faou c'est un village sur la route de Brest. Ça s'écrit Le Fa-ou." Elle a tellement articulé que j'ai vu que Georgette, elle a plus beaucoup de dents. Mais je vais rien dire à personne, parce que Georgette, maintenant, c'est ma copine. Même si elle est un peu vieille. Comme ça, elle tombera pas amoureuse de moi pendant notre cavale. Parce que Georgette, elle voulait pas que je parte à Le Faou tout seul "sur la moto de mon cousin". De toute façon, je crois pas qu'il y avait encore de l'essence dans la piwi.
Ecrivez la journée vécue par Enzo en vous inspirant de l'histoire imaginée par le gagnant de la veille.
Pour gagner des points, vous devez commencer impérativement votre texte par cette phrase :
« Les rafales de vent se mirent à souffler, et personne n'avait eu le temps de se mettre à l'abri... »
C'est à vous.
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